On dit souvent que les tous les chemins mènent à Rome. Dans mon cas, ce serait plutôt : tous les chemins mènent à Proust. Si vous me suivez, vous savez déjà qu'il est mon écrivain préféré (notamment si vous avez lu ma chronique sur sa muse, la comtesse Greffulhe), et que quand je vois son nom écrit quelque part, je ne peux pas m'empêcher d'avoir ce genre de réaction : “Marceeeeel”. Ce n'est pas du tout obsessionnel. Je suis juste passionnée. (ça me fait la même chose avec la Russie, si bien que quand mes amis entendent parler de la Russie, ils pensent à moi). J'ai tendance à collectionner tout ce qui a un lien avec Marcel : des numéros de magazine hors-série, des livres anciens (tellement vieux que j'achète le livre en format poche pour le lire ensuite), sa correspondance, des écrits de jeunesse, des ouvrages critiques, et même un badge trouvé un jour au Salon du livre de Paris...
Bref, tout ça pour vous dire que
ce matin, alors que je visitais des blogs et des sites internet, j'ai
découvert un article de Télérama intitulé : “Cinq raisons de(re)lire... Marcel Proust et La Recherche". Autant dire que
ma matinée a bien commencé ! Si vous cliquez sur le lien, vous
verrez que cet article débute par un cliché de Marcel. Marcel,
assis nonchalamment, avec son air de dandy de la Belle époque. Quand
on ne le connait pas, on a souvent de lui l'image d'un écrivain enfermé
chez lui, entre ses murs de liège destinés à ne pas laisser passer
le bruit, on le voit comme un écrivain solitaire et malade. Mais
c'est une image qui ne rend pas hommage au dandy qu'il a été, à
l'homme qui était de tous les salons, de toutes les réceptions, et
qui en offrait même des chroniques sous un nom d'emprunt (comme
“Etoile filante”). Il commentait les tenues des dames, les
dernières modes, les décorations des lieux de réception. Le tout
sous une plume délicieusement satirique. Cette plume satirique, on
la retrouve dans La Recherche du temps perdu, où Marcel
décrit la société et ses travers, l'hypocrisie et les faux
semblants, les sourires de surface et les secrets enfouis au plus
profond des êtres.
Comme le titre l'indique, dans son article, Gilles Heuré donne cinq raisons de (re)lire La Recherche. Les voici :
1/Le temps jamais perdu qu'il faut
pour le (re)lire. Je ne peux qu'être d'accord avec ce premier point.
J'ai lu deux fois le premier volume, à deux ans d'intervalle. Et à
ma relecture, j'ai eu l'impression de re-découvrir le livre, de ne
pas ressentir la même chose qu'à ma première lecture, peut-être
parce que j'avais grandi et que ce livre grandissait avec moi. J'y ai
vu les choses différemment, découvert de nouvelles significations à
ce que le narrateur disait, vu tout cela sous un nouvel angle.
“Proust est un océan dans
lequel on peut se noyer, mais avec la joie d’avoir été enveloppé
par des spirales enivrantes et une perspicacité inouïe. […] Et,
dans ce long périple, Marcel tient la barre et vogue sur son œuvre”.
2/Le style de Proust. Style qui
fait souvent peur, car on pense à ses longues phrases qui vont
parfois jusqu'à faire une-demi page. Mais ce serait une erreur de
s'arrêter à cela. Proust, ce n'est pas que des longues phrases. Et
Gilles Heuré le dit très bien : “Et l’on aurait tort de ne pas
voir chez ce détective à la fois flatteur et curieux du petit monde
aristocratique et de sa domesticité celui qui rit de toute la
société qui l’entoure, dont il se repaît et qui le consume.
Prétentions sociales de la bourgeoisie, morale sexuelle, tout y
passe. Qu’on se le dise et qu’on le répète : Proust a
énormément d’humour.”. Pour preuve, on rit quand on lit les
écrits de Marcel. Oui, on rit.
3/La valeur documentaire et
historique. L'auteur de La Recherche nous offre un formidable tableau
de son temps. Gilles Heuré prend l'exemple d'un passage figurant
dans le dernier volume, dans lequel Marcel a ajouté des passages à
propos de la Grande guerre. Voici le passage proposé par l'auteur de
l'article : « A l’heure du dîner les restaurants étaient
pleins ; et si, passant dans la rue, je voyais un pauvre
permissionnaire, échappé pour six jours au risque permanent de la
mort, et prêt à repartir pour les tranchées, arrêter un instant
ses yeux devant les vitrines illuminées, je souffrais comme à
l’hôtel de Balbec quand des pêcheurs nous regardaient dîner,
mais je souffrais davantage parce que je savais que la misère du
soldat est plus grande que celle du pauvre, les réunissant toutes,
et plus touchante encore parce qu’elle est plus résignée, plus
noble, et que c’est d’un hochement de tête philosophe, sans
haine, que, prêt à repartir pour la guerre, il disait en voyant se
bousculer les embusqués retenant leurs tables: “On ne dirait
pas que c’est la guerre ici.” »
4/Des commentateurs par milliers. “A chacun son Proust”, nous dit Gilles Heuré. Tout est dit dans
ces quatre mots.
5/Un anniversaire...manqué ? Il
fallait être un admirateur de Marcel Proust pour savoir que 2013
était l'année du centenaire de la publication de La Recherche.
Il y a eu quelques articles dans la presse, quelques émissions de
radio, mais rien d'extraordinaire. Mais ce n'est pas grave, nous dit
Gilles Heuré, on peut découvrir Marcel Proust à tout moment.
Au plus je lis des choses sur
Marcel, au plus je découvre son œuvre, au plus je l'aime. Il
n'aimait pas que l'on rapproche l'homme de l'écrivain, le moi social
étant différent du moi de l'écrivain, selon lui. Mais au risque de
lui déplaire, j'ose dire que j'aime à la fois l'homme et
l'écrivain, en ce qui le concerne.
J'espère que vous avez apprécié
cette chronique sur cet article consacré à Marcel Proust. J'aime
découvrir ce genre d'article et j'avais envie de le partager avec
vous. J'espère que si vous aviez peur de Marcel, ma chronique vous a
fait changer d'avis.
Marceeeeeellll !!
RépondreSupprimerMoi non plus je ne suis pas obsessionnelle, juste passionnée, comme toi, par cet écrivain génial, sensible et intuitif. Merci pour cet article; il est pour moi ce qu'a été pour toi cet article de Télérama.
La seule différence est que moi, ça fait longtemps que je n'ai pas lu ou relu La Recherche. J'y pense souvent, je travaille encore sur des textes, mais je ne reprends pas en main les volumes, pas pour les ouvrir et fermer régulièrement pendant quelques jours voire quelques semaines. Bref, je ne lis plus ses romans, au sens pratique du terme. Pourtant la pensée littéraire de Proust m'accompagne toujours, j'y pense souvent (je m'en rends compte en écrivant ici), je me dis souvent que je devrais relire les deux premiers tomes et demi que j'ai déjà découverts, et lire les suivants, dont je connais vaguement la trame.
Je ne crois pas que ces temps derniers ni ceux qui viennent prochainement soient propices pour moi à ce genre de lecture (qui demande tout de même une grande concentration !), puisque j'ai vraiment besoin de m'évader, et sans trop avoir à penser. Mais dès que je le sentirai, je m'y replongerai avec un plaisir immense (et en sachant où je vais, en sachant que je vais lire un chef-d'oeuvre, à chaque mot).
Tu seras d'ailleurs la première informée de mon départ à la recherche des merveilles de la Recherche :p.
Merci pour ton commentaire, qui me touche :)
SupprimerJe comprends ce que tu veux dire. J'ai lu le deuxième volume l'été dernier, et je pense que je ne lirai La Recherche que l'été, parce que durant l'année scolaire, ce n'est pas le bon moment pour lire Proust. Comme toi, j'ai juste besoin de m'évader, de lire des choses pas trop compliquées, juste histoire de quitter mon quotidien pour penser à autre chose, le temps de ma lecture. Et surtout, je veux avoir tout mon temps pour lire Proust, passer des journées à lire, sans me dire que je dois lire des textes pour les cours ou réviser des cours, ou travailler mon mémoire. Je ne voudrais pas m'arrêter en plein milieu d'une page sans savoir à quel moment je vais pouvoir reprendre ma lecture.
J'attends donc que tu me préviennes de cette plongée dans La Recherche ! Marcel est un point commun que nous avons. C'est vraiment bien de pouvoir partager cette passion :)
J'ai lu un livre de lui, peut-être que c'était le tome 1 de la Recherche mais je n'avais pas tellement accrochée. Ton article me donne pourtant envie d'aller plus loin.
RépondreSupprimerEn tout cas je ressens la même chose pour Émile Zola, j'adore lire "Les Rougon-Macquart" et j'aimerai beaucoup en savoir plus sur sa vie, ce qui n'est pas le cas avec d'autres auteurs.
La première partie du premier volume peut être difficile à lire, je comprends. Je ne sais pas si tu as lu tout le premier volume, mais si ce n'est pas le cas, je te conseille la deuxième partie : Un amour de Swann. C'est un peu plus "léger" que la première partie, car le narrateur parle de Swann et de son histoire. C'est une partie très agréable à lire, et ça permet de saisir l'esprit de l'époque. Sinon il y a la préface qu'il avait écrite pour un livre de Ruskin qu'il avait traduit, et qu'on trouve aujourd'hui en livre à part entière : Sur la lecture, texte sublime dans lequel chaque lecteur peut se reconnaitre.
SupprimerJ'aime aussi beaucoup Zola, que j'ai découvert au lycée et depuis j'aime lire les volumes des Rougon-Macquart. Je suis contente de voir que je ne suis pas seule à être un peu obsessionnelle concernant des écrivains ^^
J'ai lu "Du côté de chez Swann", c'est bien le premier volume ? Il comprenait "Un amour de Swann" je crois
SupprimerOh non, sur la blogosphère c'est d'autant plus courant de voir les lectrices obsessionnelles d'un auteur en particulier :-)
Oui "Un amour de Swann" fait bien partie du premier volume. Il peut se lire indépendamment des deux autres parties de ce volume.
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