samedi 19 juillet 2014

Du domaine des murmures - Carole Martinez


Une invitation au voyage, dans un murmure, chatouille l’oreille du lecteur dès les premières lignes. Comme un souffle qui vous entraine au-delà des frontières de notre temps, pour en rejoindre un autre. Ce changement de siècle se fait par une promenade entre prés et forêts, là où la nature règne en maître. Des vestiges des temps anciens décorent ce tableau pittoresque. Et d’un coup, on plonge dans une époque où les vestiges étaient encore des châteaux forts. XIIe siècle. Le saut dans le passé est fulgurant et rapide. Le récit est à la première personne. Esclarmonde, jeune femme à marier, nous raconte son histoire, et l’on entendrait presque ses murmures du fond de sa tombe. Si vous ouvrez bien l’oreille, vous entendrez ses chuchotements, mots à peine audibles, qui vous entraineront dans un flot d’émotions. Esclarmonde évoque sa famille, ses jeunes années, puis son mariage avec Lothaire. Enfin, non, elle ne se marie pas avec Lothaire. Esclarmonde veut épouser la religion, et entraine les personnes de son entourage à accepter qu’elle vive en recluse. Alors on lui construit sa tombe, puisque sa réclusion sera vécue comme sa mort. Esclarmonde va mourir du monde des vivants, pour renaitre dans le monde céleste. S’ensuit une renommée à travers le pays. Les pèlerins s’arrêtent devant sa tombe, et lui demandent de prier pour eux. Esclarmonde est enfin écoutée. Paradoxe étrange. Libre et jeune fille en fleur, personne ne se soucie de ses pensées. Recluse, sa voix devient source de bonheur et d’espoir. Mais, si tout le monde la considère comme une sainte, elle n’en reste pas moins femme. Et c’est les bonheurs et malheurs des femmes qu’elle va connaitre dans sa petite cellule où elle peut tout juste s’allonger et prier. Comment écrire un roman sur une femme recluse dans une cellule ? Comment faire voyager le lecteur malgré l’enfermement ? Carole Martinez relève avec succès ce défi. C’est la vie d’un village et d’un château que l’on découvre. Leurs coutumes, leurs croyances, leurs joies et leurs malheurs. Mais à travers Esclarmonde, on suit les croisés vers la Terre Sainte, et l’on découvre leurs combats sous un soleil qui frappe beaucoup trop fort. C’est en se retirant du monde qu’Esclarmonde a vécu plus que quiconque et a voyagé jusqu’aux terres de son Seigneur. Rien ne lui sera épargné : douleurs, haine, doutes et punitions. Et ses murmures vous hanteront jusque dans votre sommeil.

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